« Banquet » (matière à penser)

.

photo : gala, mars 2008

.

Banquet – en bande on y bouffe une esbroufante becquetance :

.

Pastis aux pistaches ;

Avocat à la vodka (ou Soupe aux pousses, potage où patauger) ;

Saumon en monceau (ou Quenelles à la canelle) ;

Steak tchèque (ou Rôt de rat au riz, mets maori) ;

Sorbet serbe ;

Marcassin au marasquin (ou Beau veau) :

Champignons au Champagne (ou Crêpes aux cèpes) ;

Forts fromages de fermage ;

Pure purée de poires purpurines ;

Raisins rincés ;

Café fécal ;

Liqueurs reliques.

.

10 ou 20 vins divins

.

Michel Leiris, « Banquet » in Langage tangage ou Ce que les mots me disent, Gallimard, 1985.

.

.

L’Ananas de Dumas, trois cents ans après Léry (matière à penser)

.

Suite à la description de l’ananas par Jean de Léry (à lire ici) :

.

Famille Tupinamba à l’ananas (détail), in Jean de Léry, Histoire d’un voyage faict en la terre du Brésil.

.

L’Ananas de Dumas, trois cents ans plus tard :

« Fruit originaire du Pérou ; sa couleur en maturité tire sur le bleu, son odeur ressemble à celle de la framboise ; sa saveur est douce, le sur approche le goût de vin de Malvoisie.

Pour manger l’ananas, on le coupe par tranches, on lui fait perdre son âcreté, en le trempant dans l’eau, et on le met dans le vin en y ajoutant du sucre.

Dans l’Inde, on fait du suc d’ananas mêlé avec l’eau une boisson rafraîchissante préférable à la limonade.

Au Brésil, on récolte une immense quantité d’ananas sauvages. Ils sont gros, juteux, aromatiques, on en tire de l’eau de vie, qui ressemble au meskal. L’ananas sauvage atteint soixante centimètres de hauteur, ses feuilles sont creuses et renferment une eau claire souveraine pour étancher la soif ; quoique exposé aux rayons du soleil, cette eau reste toujours fraîche. « 

Alexandre Dumas, Le Grand Dictionnaire de cuisine, A. Lemerre, 1873.

Nouvelle réédition, illustrée et commentée : Le Dico Dumas,  Menu Fretin, 2008.

.

______________________________

.

…… Le texte de Dumas est assez loin des problématiques de Jean de Léry, ce voyageur calviniste qui fût parmi des premier à parler de l’ananas à son retour du Brésil… D’ailleurs, il ne semble pas que Dumas ait eu connaissance du texte de Léry.

…… Le savoir de Dumas, basé sur des connaissances plus livresques, est davantage tourné du côté de la recette, pour son Grand Dictionnaire de cuisine. On retrouve cependant un même souci de précision dans la description de l’ananas, quant à son goût mais aussi quant à son odeur, son aspect, etc.

…… Qui passe évidemment par la multiplication des analogies.

…… Or, on en manquera pas d’être frappé par la similitude de comparaison entre l’ananas et la framboise.

…… On peut l’expliquer, entre autres, par la proximité de leur acidité sucrée, etc.

…… Et cependant, pour le lecteur contemporain, la comparaison n’est sans doute pas des plus évidentes !

…….

……..Matière à penser, donc.    – Et vous, comment décririez-vous l’ananas ?

.

A mettre en perspective avec l’article consacré à la mise en langage des saveurs

.

Une truffe n’est pas coutume

.

D’abord, elle ne supporte pas la concurrence.

Au moindre cousin qui emménage dans son champ, elle se fait la malle sans piper mot.

Elle a le nez sensible aussi.

Qu’un voisin traite à quelques kilomètres de là, et la voilà elle qui s’évanouit.

.

Tuber Melanosporum.

.

Vu de loin, ça fait surtout culture de classe.

Mais en s’approchant un peu, disons à un mètre, Dieu que ça sent la truffe !

.

.

Et c’est sans doute d’abord cela, la truffe.

Une odeur.

Une odeur puissamment mémorisable.

.

Une odeur qui concentre celles de l’humus et du gibier.

Un peu de noisette aussi, quand elle est bien mûre.

Et toujours cette note si animale, presque indécente.

.

La truffe sent la terre.

Et la terre, autour de la truffe, sent la truffe.

On en mangerait, de cette terre..

.

Il y a quelque chose de l’image d’épinal dans l’odeur de la truffe. Un souvenir de Forêt…

.

.

Difficile de parler de la truffe. On se sent un peu truffe, soudain.

Il y a tellement d’évidence dans cette odeur qui s’impose à vous, comme un envahissement brut.

.

Une truffe n’est pas coutume.

Mais qui hume la truffe, s’en souvient.

.

.

Merci à ER pour ce mémorable tubercule.

.

Cet article fera l’objet d’un prolongement, à propos de cette articulation odeur/souvenir, sur laquelle il faudrait arriver à se pencher sans donner trop facilement dans le Proust …

.

Hommage à Jean de Léry : Histoire d’un fruict rapporté du Brésil

.

.

Hommage à Jean de Léry : Histoire d’un fruict rapporté du Brésil

Parmi les arbres de la terre du Bresil, celui que les habitants nomment Feijoa sellowiana peut atteindre jusqu’à six mètres de hauteur, après des années de croissance lente. Entre juin et juillet, il donne des fleurs rouges et blanches, si délicates qu’on les croiraient orchidées. Et entre novembre et décembre, les habitants cueillent ses fruits extraodinaires, pour en faire du jus, du vin ou des compotes.

Feijoa est long de quelques centimètres seulement, d’une forme ressemblant à celle d’un kiwi vert, mais avec une peau qui rappelle davantage la mangue quant à sa texture. Dès qu’il est mûr, Feijoa dégage une odeur puissante, assez surprenante pour sa petite taille. Une fois ouvert, le fruit découvre une chair blanche assez ferme, légèrement granuleuse, et d’un goût des plus étonnants, puisqu’en le goûtant les yeux fermés, vous diriez que c’est une fraise des bois. Avec toutefois une nuance acidulée qui rappelle l’ananas, ou le kiwi.

Partant, je tiens ce fruit pour l’un des plus merveilleux qu’il m’ait été donné de goûter.


.

Et sans doute l’un de ceux qui m’ont été le plus gentiment offerts …

.

Voir aussi :

Jean de Léry, comment peut-on parler d’un goût ? (extrait de son Histoire d’un voyage faict en la terre du Brésil)

Et un premier article consacré à la question de la mise en langage des saveurs, à partir de l’analyse de la méthode de Léry.