Comment montrer un goût (2) ? Peut-on tous les montrer ?

Photogénie du goût, étape 2 : en préambule à un article consacré à la représentation du goût dans la photographie culinaire, quelques pistes de réflexion.

(Lire l’étape 1)

On peut tenter de développer la question « comment montrer un goût ? peut-on tous les montrer ? » à partir de l’exemple du plat mijoté.

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Comment peut-on en effet représenter le goût d’un plat mijoté sur une photographie, c.à.d sur un carré de papier glacé, désodorisé ?

– L’odeur d’un plat ne fonctionne-t-elle pas comme un véritable pont entre l’œil et le goût ?

Si la vision d’un plat constitue un véritable préliminaire (au sens fort) à sa dégustation, elle est relayée, incarnée, ancrée dans la matérialité du corps par le biais de l’odorat, qui confère toute sa densité charnelle à la vision du plat, et qui nous permet d’anticiper physiquement sur ses saveurs.

L’un des enjeux de la photographie culinaire serait donc de faire en sorte que l’imaginaire (le fantasme) prenne le relais entre l’œil et le goût, sans passer par les renforts d’un support olfactif.

Ex. Sur cette photo, tout passe par la projection imaginaire qu’appelle la vision d’une cocotte en cuivre, contentant idéal du plat longuement mijoté …

Choisir de ne pas montrer devient alors une façon indirecte de montrer.

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Une truffe n’est pas coutume

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D’abord, elle ne supporte pas la concurrence.

Au moindre cousin qui emménage dans son champ, elle se fait la malle sans piper mot.

Elle a le nez sensible aussi.

Qu’un voisin traite à quelques kilomètres de là, et la voilà elle qui s’évanouit.

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Tuber Melanosporum.

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Vu de loin, ça fait surtout culture de classe.

Mais en s’approchant un peu, disons à un mètre, Dieu que ça sent la truffe !

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Et c’est sans doute d’abord cela, la truffe.

Une odeur.

Une odeur puissamment mémorisable.

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Une odeur qui concentre celles de l’humus et du gibier.

Un peu de noisette aussi, quand elle est bien mûre.

Et toujours cette note si animale, presque indécente.

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La truffe sent la terre.

Et la terre, autour de la truffe, sent la truffe.

On en mangerait, de cette terre..

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Il y a quelque chose de l’image d’épinal dans l’odeur de la truffe. Un souvenir de Forêt…

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Difficile de parler de la truffe. On se sent un peu truffe, soudain.

Il y a tellement d’évidence dans cette odeur qui s’impose à vous, comme un envahissement brut.

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Une truffe n’est pas coutume.

Mais qui hume la truffe, s’en souvient.

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Merci à ER pour ce mémorable tubercule.

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Cet article fera l’objet d’un prolongement, à propos de cette articulation odeur/souvenir, sur laquelle il faudrait arriver à se pencher sans donner trop facilement dans le Proust …

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