Humeur d’humus (Éloge du pourri, extrait)

Le champignon est inquiétant. Il est le symbole même de la lisière, du point limite entre animal et végétal, entre nature et culture, entre mort et fécondité…

Étrange saprophyte ! En marge du règne végétal, il utilise la matière en décomposition pour se développer. Sans racines ni feuilles, et surtout sans chlorophylle, il s’alimente comme un animal, prélevant la vie sur d’autres organismes plutôt que de s’alimenter grâce à l’air et la lumière, comme tout végétal qui se respecte.

Non content d’échapper aux classements de la botanique, le champignon s’épanouit à l’écart des villes et de la civilisation. Il ressurgit ainsi chaque année dans les ténèbres humides de la forêt, échappant par là même au patient travail de l’agriculture, pour mieux offrir aux gens des bois les mystères d’une cueillette quasi-miraculeuse.

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Sauvage, il semble donc appartenir davantage à la nature qu’à la culture. Comment peut-il dès lors trouver sa place dans la cuisine et entrer dans la sphère de l’acceptable, du symboliquement consommable ?

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Une truffe n’est pas coutume

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D’abord, elle ne supporte pas la concurrence.

Au moindre cousin qui emménage dans son champ, elle se fait la malle sans piper mot.

Elle a le nez sensible aussi.

Qu’un voisin traite à quelques kilomètres de là, et la voilà elle qui s’évanouit.

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Tuber Melanosporum.

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Vu de loin, ça fait surtout culture de classe.

Mais en s’approchant un peu, disons à un mètre, Dieu que ça sent la truffe !

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Et c’est sans doute d’abord cela, la truffe.

Une odeur.

Une odeur puissamment mémorisable.

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Une odeur qui concentre celles de l’humus et du gibier.

Un peu de noisette aussi, quand elle est bien mûre.

Et toujours cette note si animale, presque indécente.

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La truffe sent la terre.

Et la terre, autour de la truffe, sent la truffe.

On en mangerait, de cette terre..

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Il y a quelque chose de l’image d’épinal dans l’odeur de la truffe. Un souvenir de Forêt…

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Difficile de parler de la truffe. On se sent un peu truffe, soudain.

Il y a tellement d’évidence dans cette odeur qui s’impose à vous, comme un envahissement brut.

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Une truffe n’est pas coutume.

Mais qui hume la truffe, s’en souvient.

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Merci à ER pour ce mémorable tubercule.

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Cet article fera l’objet d’un prolongement, à propos de cette articulation odeur/souvenir, sur laquelle il faudrait arriver à se pencher sans donner trop facilement dans le Proust …

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