Une truffe n’est pas coutume

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D’abord, elle ne supporte pas la concurrence.

Au moindre cousin qui emménage dans son champ, elle se fait la malle sans piper mot.

Elle a le nez sensible aussi.

Qu’un voisin traite à quelques kilomètres de là, et la voilà elle qui s’évanouit.

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Tuber Melanosporum.

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Vu de loin, ça fait surtout culture de classe.

Mais en s’approchant un peu, disons à un mètre, Dieu que ça sent la truffe !

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Et c’est sans doute d’abord cela, la truffe.

Une odeur.

Une odeur puissamment mémorisable.

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Une odeur qui concentre celles de l’humus et du gibier.

Un peu de noisette aussi, quand elle est bien mûre.

Et toujours cette note si animale, presque indécente.

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La truffe sent la terre.

Et la terre, autour de la truffe, sent la truffe.

On en mangerait, de cette terre..

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Il y a quelque chose de l’image d’épinal dans l’odeur de la truffe. Un souvenir de Forêt…

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Difficile de parler de la truffe. On se sent un peu truffe, soudain.

Il y a tellement d’évidence dans cette odeur qui s’impose à vous, comme un envahissement brut.

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Une truffe n’est pas coutume.

Mais qui hume la truffe, s’en souvient.

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Merci à ER pour ce mémorable tubercule.

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Cet article fera l’objet d’un prolongement, à propos de cette articulation odeur/souvenir, sur laquelle il faudrait arriver à se pencher sans donner trop facilement dans le Proust …

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Hommage à Jean de Léry : Histoire d’un fruict rapporté du Brésil

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Hommage à Jean de Léry : Histoire d’un fruict rapporté du Brésil

Parmi les arbres de la terre du Bresil, celui que les habitants nomment Feijoa sellowiana peut atteindre jusqu’à six mètres de hauteur, après des années de croissance lente. Entre juin et juillet, il donne des fleurs rouges et blanches, si délicates qu’on les croiraient orchidées. Et entre novembre et décembre, les habitants cueillent ses fruits extraodinaires, pour en faire du jus, du vin ou des compotes.

Feijoa est long de quelques centimètres seulement, d’une forme ressemblant à celle d’un kiwi vert, mais avec une peau qui rappelle davantage la mangue quant à sa texture. Dès qu’il est mûr, Feijoa dégage une odeur puissante, assez surprenante pour sa petite taille. Une fois ouvert, le fruit découvre une chair blanche assez ferme, légèrement granuleuse, et d’un goût des plus étonnants, puisqu’en le goûtant les yeux fermés, vous diriez que c’est une fraise des bois. Avec toutefois une nuance acidulée qui rappelle l’ananas, ou le kiwi.

Partant, je tiens ce fruit pour l’un des plus merveilleux qu’il m’ait été donné de goûter.


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Et sans doute l’un de ceux qui m’ont été le plus gentiment offerts …

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Voir aussi :

Jean de Léry, comment peut-on parler d’un goût ? (extrait de son Histoire d’un voyage faict en la terre du Brésil)

Et un premier article consacré à la question de la mise en langage des saveurs, à partir de l’analyse de la méthode de Léry.

Les rencontres du dictionnaire (matière à pensées)

En complément de l’article consacré au macaron …

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Les rencontres du dictionnaire : matière à pensées.

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MACARON, subst. masc.
A.  Petit gâteau rond, moelleux, parfumé, à la surface légèrement craquelée, composé de pâte d’amande et de blanc d’oeuf..

MACARONÉE, subst. fém.
LITT. Poésie burlesque (p. ext. morceau en prose), composée à l’aide de mots latins et de mots de la langue commune qu’on affuble de terminaisons latines.

MACARONI, subst. masc.
A.  Le plus souvent au plur. Pâte alimentaire à base de semoule de blé dur, moulée en forme de petits tubes creux allongés, le plus souvent accommodée avec du fromage, et qui constitue un des mets favoris des Italiens. Nous nous tapons un macaroni au gratin, doré comme un angelot en surface et crémeux à l’intérieur (Le Figaro, Madame Figaro, 27 sept. 1980, p. 111). C’était un homme indulgent et gai, qui avait planté dans le faubourg de Londres un jardin à l’italienne, faisait servir à ses hôtes des macaronis de grand style et, après le repas, prenant sa mandoline, chantait une canzonetta. (MAUROIS, Disraëli, 1927, p. 10.)

Extraits du Trésor de la Langue Française Informatisé

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Lire l’article : Le macaron, d’accord, parlons-en !

Voir aussi : Le crépuscule du macaron ou comment philosopher à coup de marteau!

Le Mille-feuille de l’Arpège : matière à roman

Certains disent que ce n’est pas un vrai. C’est vrai qu’il s’agit d’un mille-feuille assez librement réinterprété par Alain Passard…. Le mille-feuille, pour être digne de ce nom, doit-il comporter une avalanche de crème ? Où l’idée du mille-feuille réside-t-elle dans sa pâte feuilletée ?

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Le Mille-feuille de l’Arpège : matière à roman…

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.Ce miracle d’équilibre a été réalisé par Sakura Mori, la fée pâtissière d’Alain Passard…

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Quiconque l’a vue réaliser d’une main précise, cette pâte mille fois feuilletée, là, en bas, dans son antre -où flotte une odeur de beurre, de sucre, de dragée chaude ou de mélisse, selon les heures de la journée,

Quiconque a vu son visage rougir sous la chaleur de la salamandre, pendant la caramélisation des bandes de mille-feuille, sans reculer ni perdre un soupçon d’attention,

Et surtout, quiconque a le bonheur de goûter ce mille-feuille, aérien … et comme suspendu dans l’air  … simplement garni de fruits du jardin …

… ouvre un instant une page du roman de l’Arpège, écrite par Sakura.

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Ce jour-là, la pâte croustillante de beurre soutenait bravement un échafaudage de rhubarbe, de pommes, et de fraises vanillées, – des fruits presque confits, gentiment cuits pendant des heures…

Quelqu’un ose encore réclamer de la crème pâtissière ?

Merci encore à Alain Passard, à Sakura et à ‘Loulou’ pour ce mille-feuille d’anniversaire ! (Un an plus tard, j’en parle encore …!)

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Restaurant L’Arpège,

84, Rue de Varenne
75007 Paris

84, Rue de Varenne

75007 Paris

01 47 05 09 06

(Fermeture le week-end).

Vous l’aurez compris, j’ai choisi de parler du mille-feuille, au détriment du dessert à la mode en ce moment à l’Arpège, la fameuse Tarte aux Pommes ‘Bouton de Rose’… Beaucoup de presse pour cette tarte, pourtant bien plus spectaculaire de vue que de goût…

Laissons donc la poésie de cette tarte aux lectrices des magazines féminins.