Haute couture, haute cuisine, même combat ?

Conférence publique à l’Institut Français de la Mode du 8 Novembre 2011.

Haute couture, haute cuisine, même combat ?

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Cuisine et mode s’opposent a priori comme « patrimoine » s’oppose à « volatilité ». Pourtant, on observe depuis quelques années un rapprochement spectaculaire entre couture et cuisine. Le « chef » est en train de rejoindre le couturier au panthéon des stars. Le rapprochement entre couturier et cuisinier s’organise autour de notions empruntées à l’art et au marketing, avec l’appropriation par le monde de la cuisine du concept de « marque » associée à un nom de créateur, avec tous les produits dérivés qui l’accompagnent.

Exploration croisée de deux univers créatifs et de deux domaines d’activité économique qui se rapprochent sans toutefois se ressembler …

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Écouter / Podcaster gratuitement la conférence :


> Première partie : Haute couture, haute cuisine même combat ?

> Deuxième partie : Haute couture, haute cuisine, même combat ? (suite)

> Troisième partie : Échange et débat avec la salle

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Un résumé de la conférence est également disponible sur le site du

bureau de tendances NellyRodiLab

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Et en prolongement de cette conférence :

Défilé Chanel au Grand Palais : Haute couture, haute cuisine, même combat? (suite)

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Tendance, mode et cuisine

Cet article a été publié dans Mode de recherche, n° 13, revue semestrielle de l’Institut Français de la Mode (janvier 2010).

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Tendances, mode et cuisine : affaires de goût ?

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Introduction : De l’étoile à la star


…… « Après la gloire des stars, celle des créateurs, des tops-models, des footballeurs, des bébés des tops… ce sont les cuisiniers qu’on encense. La cuisine portée aux nues va-t-elle être la religion du XXIe siècle ? Se nourrira-t-on un jour selon les codes couleurs établis par un gourou des plaisirs gustatifs ? » Expéditive, cette interrogation de la plasticienne Martine Camillieri rapproche, de façon inattendue, le cuisinier du créateur de mode. Et en effet, si à la vue des mannequins défilant sur les podiums de la haute couture, les relations entre mode et cuisine semblent plutôt lointaines, certains parallèles apportent un éclairage inédit sur leur association réciproque.

….. Ainsi, depuis quelques années, force est de constater que le chef est en train de rejoindre le couturier au panthéon des stars. Or, il faut rappeler que jusqu’au XIXe siècle, le métier du couturier est loin d’être socialement valorisé ; ce n’est qu’au Xxe siècle qu’il accède progressivement au statut de « créateur », figure clef de la mythologie contemporaine, en même temps qu’il devient une star médiatique. Omniprésent dans la presse spécialisée, mais aussi dans tous les magazines people, on le retrouve au bras des personnalités les plus en vogue. Et les frasques de tel ou tel couturier alimentent les tabloïds, tandis qu’on interviewe Karl Lagarfeld dans des revues d’art comme Art Passions . – Et c’est là tout le paradoxe du couturier, à la fois « artiste », star, et « créateur », dont les oeuvres s’exposent dans les musées comme elles s’achètent dans les grands magasins.

….. De ce point de vue, la comparaison établie par Martine Camillieri prend tout son sens. D’une certaine façon en effet, les chefs sont à la mode. D’abord, littéralement, puisqu’on est passé de l’image du vieux chef bedonnant, un peu rustre, en veste et toque blanches, à une nouvelle génération de cuisiniers version fashion victim, cheveux au vent, tablier noir cintré et barbe de trois jours. Ils sont également à la mode au sens où les médias s’en sont emparés, pour en faire un sujet porteur, jusqu’à l’apparition du « phénomène du chef ». Depuis quelques années, les cuisiniers ont commencé à devenir, eux aussi, des stars médiatiques. Quand ils ne sont pas le produit direct de la télévision, comme Cyril Lignac, ils sortent volontiers de leurs cuisines pour participer à des émissions, se prêter à des jeux ou à des interviews, etc. Avec un paradoxe identique à celui des couturiers : tandis que certains chefs s’exhibent en compagnie des stars du show-bizz, on invite un Alain Passard à s’exprimer sur France-Culture, au moment où Art Press consacre un numéro spécial à la gastronomie.

….. Dans cette référence commune à l’art, comprendre les mutations de l’univers de la « haute cuisine » et son fonctionnement dans le circuit de production de la valeur, passera nécessairement par une mise en perspective avec la haute couture, tout en essayant de penser la question de la mode (entendue comme tendances) dans la cuisine. Au cours de notre analyse, il s’agira également de faire varier les points de vue, en adoptant tour à tour celui du chef, du critique et du consommateur.

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Des innovations dans l’air du temps ou : Quand Le Laboratoire fait Whaf

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Il existe des espaces extrêmement symptomatiques des évolutions de la société contemporaine. Ce qui se passe actuellement au Laboratoire peut être lu dans ce sens..

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« Le Laboratoire : Innovations dans l’air du temps »

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En effet, Le Labo, cet espace qui se veut à mi-chemin entre l’art, la science et la cuisine propose actuellement un « examen de deux innovations du Laboratoire, Le Whif et Andrea -en vente cet automne aux Galeries Lafayette, chez Monceau Fleurs, Nature & Découvertes et colette – (auxquelles) s’ajoute une troisième innovation, présentée pour la première fois, Le Whaf de Marc Bretillot. Toutes trois ciblent la notion d’air autour de nous : afin de mieux manger, mieux boire, mieux respirer … »

Un catalogue se propose également de vous révéler « l’essence du processus mystérieux de ces innovations « dans l’air du temps » ». David Edwards, fondateur du Laboratoire. (Tout de même, il y a des gens qui n’ont peur de rien !)

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« Nuages de saveurs » :

Le Whaf de Marc Bretillot, David Edwards, avec les recettes de Thierry Marx

« Imaginez un nuage de saveurs émanant d’un surprenant récipient à mi-chemin entre une carafe et un globe de verre ; imaginez-vous en train d’aspirer délicatement ce nuage ; la texture aérienne venant réveiller vos papilles… Vous venez de tester Le Whaf, la dernière innovation du Laboratoire. Inventé par David Edwards, et dessiné par Marc Bretillot, Le Whaf révèle encore une fois la richesse des rencontres entre l’art culinaire et le design aux frontières de la science. »

.(extrait du site internet- pour en lire plus, cliquer ici)

Le Whif fonctionne en gros sur le même principe, puisqu’il s’agit ici aussi « d’inhaler une saveur « … Version portative et commercialisable, le Whif vous offre ainsi la possibilité de respirer l’air du temps, et de sniffer votre chocolat  !

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Ici, il serait trop facile d’écrire un pamphlet sur ce genre d’endroit, qui utilise la triple caution de la science, de l’art, et de la créativité culinaire pour faire whaf.

Il est certainement plus intéressant d’analyser les mécanismes sur lesquels il repose, et de tenter de comprendre en quoi il s’inscrit effectivement dans l’air du temps.

Derrière cette idée du « nuage de saveurs », il y a sans doute deux mille ans d’histoire culturelle tributaire d’un idéalisme qui tend à évacuer le corporel au profit du spirituel, de l’immatériel, du désincarné.

Aujourd’hui, ça donne le Whaf, ou le Whif, soit la possibilité de savourer un aliment presque dématérialisé… « Un nuage de saveurs » qui précisément ne nourrit pas, mais qui se savoure. Et qui se revendique par là même comme une expérience esthétique, en se défaisant de la nécessité de manger – nécessité qui demeurait jusque là à la base de la cuisine, même quand elle se posait comme art culinaire…

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Alors, innovation scientifique au service de l’Art ?

Ou déviation du marketing sur la pente dangereuse de l’anorexie ?

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Il faut tout de même le souligner : sniffer du chocolat, pour éviter d’en manger, la démarche est loin d’être anodine. Voilà une innovation qui rend enfin possible la consommation ultra-volatile, et qui ne laisse pas de trace.

Whif et Whaf poussent ainsi la logique  des dématérialisations contemporaines à l’extrême. Et là, un vague malaise ; on ne saurait en effet s’empêcher de sentir quelque chose qui fleurte avec une forme d’anorexie, qu’elle soit symbolique ou non. En évitant d’ingérer ce chocolat, devenu « léger comme l’air », il s’agit bien d’éviter d’alourdir son corps, de défier les lois de la pesanteur …

Alors, disons-le, grâce au « nuage de saveurs », à la sortie, pas de crotte.

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Le Laboratoire & Le Laboshop, 4 rue Bouloi, 75001 Paris

(explorer le site)……………………

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