De l’art de tremper sa soupe

Quoi de plus réconfortant qu’un bol de soupe fumante en cette période hivernale ? Qu’elle soit de nouilles, de poisson ou de légumes, la soupe concentre tout le charme du mijoté. Elle nous parle d’un temps long, celui de sa préparation, dont témoigne la disparition presque totale de ses ingrédients initiaux, à la faveur d’un tout fumant, d’un tout brûlant, d’un tout savoureux… Elle s’inscrit également dans un temps plus vaste encore : celui de la mémoire, et d’une histoire à la fois individuelle et collective.

Soupe

Appel à souvenir, la soupe évoque presque immanquablement les grimaces de l’enfance, le « mange ta soupe, ça fait grandir » venant encourager l’absorption de ce magma épais, d’autant plus suspect que sa teinte brunâtre, verdâtre ou orangée fera nécessairement obstacle aux tentatives d’identification. Dès lors, on aura soin de lui adjoindre une cuillerée de crème fraîche ou un nuage de lait, d’une douceur toute maternelle, avant d’y jeter une poignée de croûtons, véritables bouées de sauvetage ajoutant à cette soupe le croquant qui lui faisait défaut… à condition de les repêcher rapidement ! Au risque, sinon, de les voir se dilater jusqu’à dissolution, tripler de volume pour finir en chapelet tiède et spongieux.

Pour réussir à avaler sa soupe, l’humanité a également développé un art de la tartine, version augmentée du croûton, où le trempage remplace le repêchage. Dans cette opération, le choix des armes est décisif, sous peine de voir s’effondrer l’édifice. « Le bon pain fait les bonnes soupes », dit-on. Avec son large soubassement de croûte, la baguette est tout à fait indiquée, notamment pour les débutants. Le pain de campagne, détaillé en tranches épaisses, possède quant à lui une capacité d’absorption supérieure. Hélas, sa mie double face le rend aussi plus vulnérable au moment du grand plongeon dans l’humide. D’où l’importance de l’étape grille-pain, indispensable pour conférer à ce type de tartine la résistance règlementaire, prolongeant l’étendue de sa croûte sans pour autant la rendre imperméable.

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Warhol, c’est de la soupe ! (matière à pensées)

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Trente-deux boîtes de soupe, parfaitement identiques.

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Déjà vu cent mille fois en reproduction. Aucune surprise lors de la rencontre de l’oeuvre elle-même. Et puis aujourd’hui Warhol, c’est un peu de la soupe… (oui, osons ce mauvais jeu de mot, les artistes du kitsch ne sont plus à cela près !) D’accord.

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Warhol par CC au MOMA

Warhol, Campbell’s Soup Cans, 1962. Museum of Modern Art, NYC.

A mettre cependant en perspective avec le processus d’uniformisation et de standardisation du goût, actuellement à l’oeuvre dans l’industrie agro-alimentaire…

Et à faire dialoguer avec l’article « Compte-Rendu d’Exploration : Six soupes Picard  » !

A utiliser pour la lecture de l’article Kitschen, essai sur le kitsch dans la cuisine.


Compte Rendu d’Exploration : Six Soupes Picards

Mardi 3 novembre, il pleut à Paris…

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Automne – hiver : Saison des soupes

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Et le soir où l’on n’a pas envie de la faire soi-même … mais qu’on préfèrerait éviter de donner dans la brique ou le lyophilisé ?

Que penser des soupes surgelées Picard ? .

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Compte-rendu de dégustation / exploration de six soupes Picard

Mode opératoire : Chaque soupe a été dégustée par deux personnes, après trois minutes au micro-ondes (test en conditions réelles : a priori, rares sont ceux/celles qui font chauffer leurs soupes surgelées à feu doux…). Aucun assaisonnement supplémentaire n’a été ajouté. Afin d’éviter toute influence, la liste des ingrédients des soupes n’a été consultée qu’après dégustation.

Un superbe pain de campagne a été utilisé pour ‘vérifier’ les fonds de soupe qui le méritaient !

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–é,

Soupe 1 : Potage aux trois légumes verts : haricot vert, brocolis, épinard. (2€70/kg)

Bilan : Cette soupe est très bonne !

La texture est très veloutée, sans être crémeuse. Le goût dominant est clairement celui du haricot vert, avant l’arrivée en renfort du brocoli, en fin de bouche… La soupe est également relevée par une pointe d’oignon. Pas trop salée.

Remarque :  Mais où est passé l’épinard alors ? un peu à la trappe. (Je vérifie !). En y mettant du sien, on le devine, mais il faut avouer qu’il reste extrêmement timide. – C’est bien le seul qu’on puisse faire à cette soupe : à quoi bon créer un effet d’attente sur l’épinard, alors qu’il est quasi absent cette soupe (3%) ?

Ingrédients : Eau, haricots verts (25%), brocolis (2o%), crème fraîche (5%), épinards (3%), oignon, sel, lactose, protéines de lait.

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Soupe 2. Velouté de légumes du potager : carotte, navet, pomme de terre. (3€50/kg)

Bilan : Cette soupe est plutôt bonne, mais tellement sucrée…

La texture est plus liquide que la soupe précédente. L’attaque se fait sur une saveur sucrée de navet, avant le développement du goût de l’oignon. La carotte est surtout présente dans la couleur de la soupe, et en fin de bouche par une note légèrement terreuse. Sur certaines bouchées, le goût d’une herbe inidentifiable surgit (après examen de la composition, je crois que c’était le poireau) L’ensemble est suave, sucré, agréable mais assez rapidement écoeurant. Disons qu’on ne s’en resservirait pas un second bol.

Remarque : La pomme de terre, qu’on attendait pour épaissir l’ensemble, est assez neutre, et la soupe reste vraiment liquide (c’est la plus liquide des soupes testées ici).

Ingrédients : Eau, carottes (12%), courgettes, oignon, pommes de terre (5%), navet (5%), poireau, beurre (2%).

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Soupe 3. Velouté de cresson, pomme de terre, crème fraîche. (3€95/kg)

Bilan : Cette soupe a du caractère, et restitue vraiment celui du cresson.

La texture est veloutée, crémeuse, sans être écoeurante. Le goût du cresson est agréablement restitué ; son amertume est parfaitement maîtrisée par la compagnie de la crème et de la pomme de terre. Le persil joue par petites touches, sur certaines bouchées. L’ensemble conserve un côté brut, à peine assaisonné. (Qui se marie très bien avec l’acidité d’un bon pain de campagne…!)

Remarque : Pas trop salée ; à la limite, plutôt légèrement sucrée par la crème mais cette fois sans excès. Equilibre impeccable entre sel, sucre, amertume et acidité de la soupe (apportée par le poivre – ou plutôt par l’arôme naturel de poivre, qui me laisse perplexe : pourquoi ne pas utiliser du bon vieux poivre plutôt que d’en extraire l’arôme? Peut être pour mieux en maîtriser le dosage… )

Ingrédients : Eau, cresson (26%), pommes de terre (16%), crème fraîche (14,9%), persil, sel, amidon de riz, arôme naturel de poivre.

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Soupe 4. Velouté fève, épinard, cuisinée à l’huile d’olive. (2€90, vendu en sac de 600g)

Bilan : Cette soupe est écoeurante.

La saveur des légumes est couverte par un goût d’huile d’olive industrielle rance, type Puget de grosse cavalerie. Les fèves arrivent à se faire un peu remarquer, les épinards restent sur la réserve. Quant à la texture, elle se rapproche de celle du mouliné de légumes, et conserve de la mâche. Mais elle possède aussi un côté visqueux, assez désagréable.

Remarque : Cette soupe est trop salée, trop marquée sur l’huile, sans aucune finesse de l’ensemble. Tout cela est très écoeurant. (Je ne la sauce même pas, elle gâche le pain!)

Ingrédients : Eau, fèves (12%), pommes de terre (12%), huile d’olive vierge extra (5%), feuilles d’épinard coupées (4,5%), feuilles de blette coupées, pois chiches, extrait de levure, ail, sel, sauce piquante (piment, hile d’olive, sel, ail).

Soupe 5. Potage au champignon, pomme de terre, crème fraîche. (3€65/kg)

Bilan : Cette soupe est une vraie gourmandise !

Le petit goût de sous-bois du champignon est bien là, dans mon bol, et se développe gentiment en bouche. Au même moment, une saveur de caramel au beurre salé surgit, et ne vous quitte plus. Incroyable.  L’ensemble est assez liquide, et légèrement sucré.

Remarque : Le côté beurre noisette de cette soupe se marie très bien avec les saveurs du champignon!

Ingrédients : Champignon de Paris (43,8%), eau, pomme de terre, oignon, crème fraîche, carotte, céleri rave, beurre, sel, ail.

Soupe 6. Velouté d’asperge verte, pomme de terre, crème fraîche (4€95/kg)

Bilan : Cette soupe joue bien le jeu de l’asperge.

On retrouve vraiment le goût de l’asperge verte, avec son côté terreux, si caractéristique. La texture est bien veloutée et crémeuse (sans être lourde ou écoeurante).

Remarque : L’assaisonnement est discret, mais bien dosé. Ce qui faut de sel et de poivre à mon goût.

Ingrédients : Eau, asperges vertes (29%), pommes de terre précuites (11%), lait écrémé en poudre, crème fraîche (3%), beurre, sel, poivre blanc.

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Bilan général de l’exploration : Que penser des soupes surgelées Picard ?

Sur les six soupes dégustées, quatre sont vraiment réussies, et mériteraient qu’on s’en resserve un second bol… Les deux autres (soupe 2 et 4) sont plus écoeurantes : la soupe carotte navet (2) est plutôt agréable mais trop sucrée ; le palais en est vite saturé. Quant à la soupe fève épinards à l’huile d’olive (4), elle est décidément sans finesse, trop salée, lourde, au point qu’on a du mal à finir son assiette !

Elle est en réel décalage avec le reste des produits testés : de façon générale en effet, les soupes Picard restituent bien le goût du légume, avec un côté brut, légèrement assaisonné.

Côté ingrédients, ils sont plutôt rassurants, simples et naturels. Un peu d’amidon de riz, et des protéines de lait se baladent dans certaines soupes ; et puis ce mystérieux arôme naturel de poivre qui vient mettre son grain dans la soupe de cresson…

Côté prix, selon les ingrédients, ils vont du simple au double. Les sacs étant souvent conditionnés par kilo, ils restent plus attractifs que ceux des soupes en briques, etc.

Ma préférée ? La soupe aux légumes verts ! Et celle de ma mère !

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Vous les avez goûtées ? Vous connaissez d’autres bons (ou mauvais) plans soupes ?

N’hésitez pas à laisser un commentaire !

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Compte-rendu à mettre en perspective avec l’article Warhol, c’est de la soupe!

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Warhol, quand même, c’est de la soupe ! (matière à pensées)

Warhol

Andy Warhol, Campbell’s Soup Cans, 1962.

Museum of Modern Art,  New York.