Éloge du Pain

Extrait de mon Éloge du Pourri (à paraître un jour), ce texte a été publié dans Gastronomie Magazine, en guise de préambule à la soirée « Voyage dans l’imaginaire des céréales », qui se tiendra le 4 juin 2013 au Grand Auditorium de la BNF, à partir de 18h30.

 2009 07 24 Crash test Pain 039 coquelicot

Un plaisir universel

Aliment familier, d’une simplicité désarmante, le pain est un mélange de farine, d’eau et de sel, fermenté et pétri à plusieurs reprises avant d’être passé au four. Qu’il prenne la forme du khoubz arabe, du vollkornbrot allemand, ou du damper australien, il est universel dans son principe, par-delà la dimension culturelle dont témoignent ses multiples recettes, d’une diversité infinie. La vaste palette de ses saveurs sucrées, où le moelleux se mêle au croustillant, accompagne tous les âges de la vie, depuis l’enfance où il succède au lait, dont il partage symboliquement la blancheur. Sucré, rassurant, il possède pour chacun une dimension profondément affective. Aliment nourricier par excellence, on le retrouve sur toutes les tables, à tous les repas. Avec lui, la nécessité devient savoureuse. Il symbolise la richesse du pauvre ; mais les populations les plus aisées, rassasiées, ne l’ont pas délaissé pour autant.

En France, dans sa version baguette, il est l’allié indispensable des tartines, celles du petit déjeuner comme celles du goûter, la clef de voûte des sandwichs et autres « casse-croûtes ». Version « campagne », il est le support irremplaçable des fromages et pâtés, (autant de produits qui déploient pour l’homme moderne un certain imaginaire du terroir). Quand sa mie est généreuse, il constitue l’outil idéal pour recueillir les sucs oubliés au fond de la poêle, pour savourer l’âme d’une sauce au fond de l’assiette et absorber les jus, les bouillons, les parfums et les goûts. Quand à la soupe, il en est l’essence même, puisque le terme a d’abord désigné le pain lui-même, sur lequel on verse du bouillon [1], avant de se déplacer pour qualifier ce liquide végétal qu’on accompagne volontiers de quelques tranches de pain … Or, précisément, accompagner, n’est-ce pas justement « manger du pain avec » ?

Lire la suite

Food design : « Demonio Azucarado », une performance-conférence briochée

L’exploratrice de saveurs dresse une nouvelle table … à Barcelone.

OFF MENU vous donne RDV aujourd’hui à 20h à la Galeria Alegria pour une performance-conférence-recette de Caroline Champion …

.

OFF Menu, Barcelone : Performance-conférence briochée sur la relation entre goût, design et symbolique alimentaire !

OFF MENU est un parcours artistique et culinaire organisé par Food Cultura, le centre d’art d’Antoni Miralda. Il se constitue en version « off » du salon Alimentaria, qui se tiendra à Barcelone du 26 au 29 mars.

Prenant ses distances avec le phénomène du Chef, et avec les performances moléculaires qui sont aujourd’hui sur le devant de la scène culinaire catalane, Food Cultura propose une autre vision de l’alimentation, mettant l’accent sur son ancrage culturel et sa dimension symbolique, tout en interrogeant sa place dans la société contemporaine, ses relations avec l’art et le design, etc.

.

.

Du 24 au 29 mars, OFF MENU sera ainsi l’occasion de réunir des artistes, designers, cuisiniers, producteurs, et autres explorateurs de saveurs, dans une programmation à découvrir dans toute la ville …

RDV notamment le 27 mars à 20h, Galeria Alegria, pour une performance-conférence briochée sur la relation entre goût, design et symbolique alimentaire !

. Lire la suite

1) Prélude à l’analyse du « design culinaire » : De la cuisine comme food design


.

.Lire l’introduction à la notion de food design.
Voir la vidéo : le food design expliqué à ma webcam.

.

Prélude

The wish to design food is as old as civilization. Out of abundance of foods nature supplies us with, only very few land on our plate directly, as they are, raw and whole. Most of them will have changed one way or the other before we eat them. […] More than a thousand times a year, – before every meal – we cut, cook, […] – so basically we are all food designers. [1]

.

Pour bien comprendre la spécificité du design comme mise en forme esthétique et fonctionnelle de la marchandise, il convient, dans ce prélude, d’analyser la spécificité des formes comestibles, y compris dans un contexte antérieur ou extérieur à la mise en forme que lui imprime aujourd’hui l’industrie agro-alimentaire. On peut en effet considérer la cuisine elle-même comme une mise en forme de type « food design » – avant de s’intéresser à la façon dont naît, avec la révolution industrielle, un « design alimentaire » qui viendra en reconfigurer les modalités.

.

De la cuisine considérée comme food design :
Retour sur les formes alimentaires pré-industrielles


Cuisiner : « Assaisonner, confire, cuire, découper, émincer, entrelacer, éplucher, farcir, flamber, fouetter, fourer, frire, garnir, griller, larder, lier, mariner, parer, pocher, faire revenir, rôtir, saisir, faire sauter, etc. »[2], autant de gestes et de pratiques, de trans-formations et de mises en forme inventées par l’homme, cherchant en permanence à pousser au maximum le plaisir de la nutrition, dépassant ainsi le besoin naturel de s’alimenter pour mieux l’inscrire dans une pratique culturelle, telle qu’elle sépare l’homme de l’animal.

Or, si les formes conférées aux aliments semblent infinies, on constate que tout geste culinaire répond nécessairement à trois types de préoccupations, qui seules permettent de comprendre le sens de cette transformation imposée par l’homme au produit brut.

. Lire la suite