Polémique Findus : Décortiquons les couches de l’affaire lasagne

martine-lasagnes-boeuf-cheval

Il y a un an presque jour pour jour, une polémique sur la viande hallal défrayait la chronique. A cette occasion nous rappelions que « la viande est sans doute un des aliments dont la charge affective est la plus forte. Rouge, dense, charnue, elle symbolise l’élément nourrissant par excellence, autant qu’elle renvoie l’homme à sa place dans la chaîne alimentaire. La grande conquête du XXe siècle aura été de rendre sa consommation (théoriquement) accessible à tous. Son corrélat, l’éloignement progressif de son origine : par l’urbanisation massive de nos modes de vie (la majorité d’entre nous ne vit plus au milieu des vaches) et la mise à distance de l’ensemble de la filière de production (jusqu’aux abattoirs désormais situés hors de vue),  la viande a cessé de renvoyer à un animal […]. Sauf que la question de l’origine de ce que nous mangeons ne disparaît pas si facilement. Depuis la panique provoquée par l’épisode de la vache folle, c’est même devenu une question qui pèse d’autant plus sur nos choix alimentaires que nous ignorons tout du processus de fabrication de nos biftecks. Mystère qui ouvre la porte aux peurs les plus irrationnelles. » (1)

Aujourd’hui, l’affaire des lasagnes vient réactiver ces angoisses. Une fois de plus, le consommateur, ahuri, prend la mesure de son ignorance en matière de fabrication des produits qu’il consomme.

De toute évidence, un scandale sur la présence d’aubergines à la place des pommes dans une tarte tatin Picard n’aurait pas le même impact. Alors même que, pour le coup, l’erreur aurait été décelable / dommageable au goût…

Mais puisque la question ne se pose pas en termes de goût, il mérite que nous décortiquions les couches de l’affaire lasagne.

Lire la suite

1) Prélude à l’analyse du « design culinaire » : De la cuisine comme food design


.

.Lire l’introduction à la notion de food design.
Voir la vidéo : le food design expliqué à ma webcam.

.

Prélude

The wish to design food is as old as civilization. Out of abundance of foods nature supplies us with, only very few land on our plate directly, as they are, raw and whole. Most of them will have changed one way or the other before we eat them. […] More than a thousand times a year, – before every meal – we cut, cook, […] – so basically we are all food designers. [1]

.

Pour bien comprendre la spécificité du design comme mise en forme esthétique et fonctionnelle de la marchandise, il convient, dans ce prélude, d’analyser la spécificité des formes comestibles, y compris dans un contexte antérieur ou extérieur à la mise en forme que lui imprime aujourd’hui l’industrie agro-alimentaire. On peut en effet considérer la cuisine elle-même comme une mise en forme de type « food design » – avant de s’intéresser à la façon dont naît, avec la révolution industrielle, un « design alimentaire » qui viendra en reconfigurer les modalités.

.

De la cuisine considérée comme food design :
Retour sur les formes alimentaires pré-industrielles


Cuisiner : « Assaisonner, confire, cuire, découper, émincer, entrelacer, éplucher, farcir, flamber, fouetter, fourer, frire, garnir, griller, larder, lier, mariner, parer, pocher, faire revenir, rôtir, saisir, faire sauter, etc. »[2], autant de gestes et de pratiques, de trans-formations et de mises en forme inventées par l’homme, cherchant en permanence à pousser au maximum le plaisir de la nutrition, dépassant ainsi le besoin naturel de s’alimenter pour mieux l’inscrire dans une pratique culturelle, telle qu’elle sépare l’homme de l’animal.

Or, si les formes conférées aux aliments semblent infinies, on constate que tout geste culinaire répond nécessairement à trois types de préoccupations, qui seules permettent de comprendre le sens de cette transformation imposée par l’homme au produit brut.

. Lire la suite