Alice B. TOKLAS : Quand la recette de cuisine se fait littérature

Dans quelques mois paraîtra un Dictionnaire des femmes créatrices aux Editions des Femmes, sous la direction de Mireille Calle-Gruber, Béatrice Didier et Antoinette Fouque. Ce dictionnaire entend « témoigner de l’ampleur et de la diversité des productions des femmes, dans des domaines très vastes, sans limitation de dates ou de zones géographiques » : littératures, sciences, sports, esthétique  et … gastronomie.

Si je suis loin de partager les revendications féministes qui sous-tendent ce projet de dictionnaire, réunissant un ensemble de productions diverses sous la bannière d’une paire d’ovaires, la rédaction d’un certain nombre de notices de la section gastronomie constitue une excellente occasion de nous repencher un peu sur des œuvres oubliées ou mal connues.

– De quoi alimenter notre bibliothèque gustative et littéraire !

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1/ Le Livre de cuisine d’Alice B. Toklas :
Quand la recette se fait littérature


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Récits d’explorateurs : Marco Polo, XIIIe siècle.

Une série de lectures consacrée aux récits de voyages et d’explorateurs devrait nous permettre de voyager dans le temps comme dans l’espace, à partir de notre prisme initial : le langage des saveurs (cf. comment parler du goût ?). – La comparaison des textes entre eux fonctionnant comme un révélateur photographique des différentes stratégies d’écriture possibles, mais aussi des problématiques propres à chaque époque. En outre, selon les auteurs, certains aspects plus directement anthropologiques ou ethnographiques attireront notre attention, la curiosité étant le fil conducteur de cette étude …

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Marco Polo, Le livre des merveilles (1296).



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Les recettes Tartares de Marco Polo

Ce texte s’inscrit dans une série de lectures consacrées aux explorateurs.
A lire en préambule : introduction aux textes de Marco Polo (ici)

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Extrait 1. De passage chez les Tartares, au niveau de l’actuel Kazakhstan, Marco Polo nous livre quelques recettes, au détour d’une page consacrée à la description de ce peuple nomade …

 

Quand le seigneur, avec ses troupes, va conquérir les cités et royaumes, que ce soit en plaines ou en montagnes, il mande toujours deux cents hommes à deux journées en avant pour observer les chemins et le pays (…) Quand ils vont pour une longue route, ils n’emportent rien comme harnois, et notamment des choses pour dormir. Ils vivent la plupart du temps de lait (…) Ils ne transportent pas de vivres, fors une ou deux outres de cuir, là où ils mettent leur lait qu’ils boivent, et emportent chacun une petite pignate, c’est un pot de terre, là où ils cuisent leur viande.

Mais s’ils n’ont pas ce pot quand ils trouvent aucun animal, ils le tuent, en prennent le poitrail et le vident puis remplissent d’eau ; et la chair qu’ils veulent faire cuire, ils la coupent en pièces, et la mettent dans ce poitrail plein d’eau ; puis ils mettent au feu et laissent cuire ; et quand c’est cuit, ils mangent le chaudron de chair et tout. Ils ont aussi avec eux une petit tente de feutre sous laquelle ils demeurent quand il pleut.

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Et vous dis une autre chose : quelque fois, quand il faut et que la presse d’une entreprise oblige à un long chemin en hâte, ils chevauchent bien dix journées sans nulle viande cuite et sans faire de feu, car la cuisson des aliments retarderait leur chevauchée ; ils se passent de fruits, et souvent, par besoin de vin et d’eau, vivent du sang de leurs chevaux ; chacun pique une veine de son cheval, y colle sa bouche et boit du sang jusqu’à en être rassasié ; et alors il arrête. (…) Ils ont encore du lait séché qui est solide comme pâte.

On le dessèche comme suit : on le fait bouillir ; la crème qui flotte par dessus, on la met en autre vaisseau et on en fait beurre. Mais alors on met le lait au soleil, et alors il est desséché. Lorsqu’ils sont en guerre, emportent environ dix livres de ce lait ; le matin en prennent un peu ; chaque homme en prend une demi-livre, le met dans une petite gourde de cuir pareil à une bouteille, y verse de l’eau et l’agite avec un bâton ; et il l’emmène jusques à ce que le lait soit dissous en forme de sirop à force de chevaucher ; ils le boivent au temps convenable, et c’est leur déjeuner.

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Marco Polo, Le livre des merveilles I, « Le devisement du monde »,
éd. AC Moule et P. Pelliot, trad. Louis Hambis, Editions La Découverte / Poche,
(p. 169-170).

 


Corpus chronologique : De la cuisine à « l’Art culinaire »

En prolongement de la genèse de « l’Art culinaire contemporain » développée dans la première partie de Hors d’œuvre, essai sur les relations entre arts et cuisine, nous proposons au lecteur un double corpus chronologique, disponible en ligne pour être actualisé en permanence.

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De la cuisine à « l’Art culinaire » :

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Sur l’évolution du discours sur la cuisine, de l’Antiquité à nos jours.
Un répertoire (non exhaustif) de textes portant sur la cuisine (et leur lien vers Gallica ou GoogleBooks quand les textes sont disponibles en ligne, ou vers le fond SUDOC pour trouver ces textes en bibliothèque).

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A noter qu’à partir des années 70, le nombre pléthorique des titres témoigne bien de l’explosion du marché du » livre de Chef » qui accompagne la Nouvelle Cuisine.

Quant aux titres, parlant en eux-mêmes, ils offrent un panorama des grands courants, débats et effets de mode qui ont traversé l’histoire de la cuisine.

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