Festival International de la Photographie Culinaire : comment éviter le Marabout ?

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Jeudi 6 novembre, ouverture du Festival International de la Photographie Culinaire.

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Outre les galeries et restaurants participant sous différentes formes au festival, une compétition officielle entre 22 photographes, sur le thème « poissons, coquillages et crustacés ».

Deux espaces officiels d’exposition : Les passages couverts de Bercy Village, et … l’Espace Mobalpa, (15 boulevard Diderot, 75012) !

Mobalpa

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L’Espace Mobalpa ou : Quand le sponsor tient plus de place que son objet…

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L’Espace Mobalpa est un espace d’exposition pour le moins problématique.

Il a cependant le mérite de mettre les deux pieds dans le plat, et d’interpeller le spectateur sur le statut de la photographie culinaire.

En effet, les photographies, exposées au milieu des cuisines Mobalpa, se trouvent reléguées au rang d’illustrations décoratives, pour ménagère de moins de 50 ans … !

Installées dans un espace dédié à la consommation (alimentaire / économique) la dimension artistique de ces photographies est donc loin d’être évidente.

Et pourtant, malgré un format relativement petit, un espace visuellement envahissant, un contexte inapproprié, certaines images s’imposent comme des photographies de type artistique.

Quelles stratégies mettent-elles en place pour éviter le côté Marabout ou Elle à Table ? Comment assument-elles la spécificité de leur objet ?


FIPC – Différentes façon d’aborder la photographie culinaire :

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Parmi les photographies présentées au festival, on peut repérer différentes tendances, qui sont autant de façon d’aborder la photographie culinaire, et de travailler à établir sa dimension artistique.

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Tenter de photographier un goût : des produits, des plats, toujours en macro :

Selon la démarche du photographe, elles se veulent plus ou moins appétissantes, et plus ou moins ludiques. Elles proposent une approche du goût par l’image.

Dans certains cas, on reste quand même assez proche de l’illustration esthétisante de type fiche-recette Elle.

Plusieurs photographes jouent plutôt la carte du ludique, et travaillent sur la ligne nature/culture, en présentant par exemple un poisson vivant/poisson pané, etc… (Pierre-François Couderec, Christophe Doucet ).

D’autres photographies, comme celles de Patrick Rougereau, vont ouvertement chercher à détourner le côté Marabout, en proposant une réinterprétation humoristique des photos de recettes.

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Patrick Rougereau

Patrick Rougereau.

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Dans ce cas, c’est la nature même du sujet de la photographie qui lui dicte sa forme. Le domaine culinaire est revendiqué et mis à l’honneur.

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Travailler une matière visuelle : des photographies « désincarnées »

Toujours en macro, certaines photographies mettent au contraire l’accent sur des formes et des textures, recherchant avant tout un effet visuel.

L’alimentation, le plat ou le produit brut acquiert alors une dimension plus abstraite, quasi désincarnée.

Il n’est qu’un support plastique, un matériau détaché de sa saveur à la faveur d’un plaisir purement oculaire.

On pense par exemple au travail de Mathilde de L’Ecotais, ou à celui de Richard Haughton

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richard haughton

Richard Haughton, Sayori.

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La revendication du statut artistique de la photographie culinaire passe ici par une forme de négation de la spécificité de son objet. L’aliment est alors détourné, désincarné mais aussi magnifié, pour servir la cause d’un art visuel.

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Une troisième voie ? Les photographies contextualisées, de type récit de voyage :

Elles saisissent des humains en cours de préparation d’un repas, sur les marchés, etc.

Le contexte est ici primordial, et aisément identifiable. Les plans sont plus larges, la macro est laissée de côté.

Mangeur ou préparateur, l’humain retrouve alors toute sa place sur la photographie

Ce type de photographie se veut la trace d’un moment précis, en un lieu précis.

Au sein de l’exposition officielle du festival, on citera les travaux de Kim Badawi, d’Eric Morin, ou de Florent Dupuy.

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Patrick Rougereau

Kim Badawi.

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Ce type de photographie propose une vision plus humaniste de la photographie, en ramenant l’aliment à sa dimension culturelle.

Au risque parfois de sembler moins immédiatement artistique.

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Une catégorie mixte : les photographies intellectuelles :

Celles-ci sont avant tout une tentative pour se démarquer, qui passe souvent par une démonstration de pseudo originalité.

Leur sens est alors plus ou moins obscur …

… Passons notre chemin …

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Pour en savoir plus : Le site du Festival International de la Photographie Culinaire.

Voir aussi l’article plus théorique consacré à la question du statut artistique de la photographie culinaire : Festival International de la Photographie Culinaire : mais quel goût ont les images ?

Et l’article consacré à l’exposition de la Milk Factory à l’Atelier des Francs-Bourgeois : Milk Factory, une nouvelle galerie pour le printemps 2010.

Milk Factory : Une nouvelle galerie pour le printemps 2010.

Milk Factory, galerie et laboratoire de création culinaire de la collective des produits laitiers (ouverture printemps 2010).

Hors les murs du 6 au 22 novembre, Atelier des Francs-Bourgeois, dans le cadre du Festival International de la Photographie Culinaire.

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Après la Galerie Fraîch’Attitude, Christophe Spotti est désormais en charge de la Milk Factory, espace de création, d’exposition, et de consultation d’ouvrages dédiés au goût.

C’est le CNIEL, c.à.d. la collective des produits laitiers qui est à l’origine de ce projet.

Rappelons que le CNIEL est aussi à l’initiative de l’OCHA, l’Observatoire Cniel des Habitudes Alimentaires, dont les publications et colloques sont toujours remarquables…

A suivre de près, donc.

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En attendant 2010, et dans le cadre du Festival International de la Photographie Culinaire, la galerie propose (hors les murs) :

« Le lait, matière à sensation, matière à création… »

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Une exposition basée sur une triple approche du lait :


Une approche visuelle avec la série de photographies de Jean-Jacques Pallot, intitulée Splasch :

galerie splasch

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Ce travail de photographie culinaire offre une vision de type « désincarnée » du lait.

Le lait est en effet utilisé ici comme simple texture, comme matériau esthétique purement visuel.

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.splasch 2

Jean-Jacques Pallot, Splasch.

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On est étrangement loin de la texture du lait …

Cette magnifique photo transforme la goutte de lait en voile de bateau et autre support imaginaire.

Et pour cause. Jean-Jacques Pallot est avant tout un photographe, entré un instant dans le monde culinaire, sur lequel il porte un oeil neuf.

Cette photo n’a pas le goût du lait.

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Une approche gustativeavec un « milk bar, et quelques réalisations culinaires de Sonia Ezgulian.

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milk bar

L’initiative est réellement excellente.

Lors de mon passage toutefois, la proposition était assez réduite, et pas toujours convaincante : milk-shake au foie gras, sirops au lait entier, …

… et … des macarons au gingembre, d’une grande délicatesse.

macaron

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Une approche lexicale du lait enfin – par un travail sur « les mots du lait » réalisé par Ich&Kar.

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mots du lait

(NB: Cette photo a été volontairement accentuée pour vous permettre de décrypter une partie du texte).

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Mots, citations et expressions liées à l’univers du lait travaillés par un regard de graphiste.

Voir, par exemple,  » Dans sa volonté de supprimer les intermédiaires, il cherchait un moyen de passer du foin au lait, sans passer par la vache » (Alphonse Allais)…

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En attendant la suite :

Milk Factory à l’Atelier des Francs Bourgeois,

8 rue des Francs-Bourgeois, Paris 3e.

Exposition du 6 au 22 novembre 2009 – vernissage mardi 11 novembre.

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Voir aussi l’article consacré à la photographie culinaire

Et pour un clin d’oeil aux macarons ...