Nature / Culture, Art / Esthétique : A propos de l’exposition Beauté animale au Grand Palais

Il y a quelques temps, le Grand Palais se faisait le théâtre du célèbre jumping Hermès. Canassons en tous genres bondissaient sous la verrière. Le lendemain, une exposition ouvrait ses portes pour « rendre hommage à la beauté animale » … [1] Les chevaux de Géricault y côtoient les caniches de Jeff Koons, autant que les lions de Delacroix, à la faveur d’un discours qu’on ne manquera pas de mettre en perspective avec certains débats actuels ( foie gras, bébés phoques, hallal …).

Retour sur les enjeux et postulats de l’exposition.

(En passant, on ne manquera pas d’être sensible à l’humour du choix iconographique de cette double affiche, pour une exposition qui semble totalement oublier que les lions mangent aussi les singes …)

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1/ Quand le musée se fait zoo, et l’œuvre d’art documentaire

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Du goût comme écart et différenciation : A propos de l’exposition Matisse, Paires et Séries à Beaubourg

Notes et hors pistes, à propos de l’exposition Matisse, Paires et Séries, actuellement au centre Georges Pompidou.

Du goût comme écart et différenciation

Au sein de chaque culture, pour chaque individu, le goût se construit et s’affine avant tout par comparaison …

Le goût pris au sens culinaire du terme, d’abord, puisque les qualités d’un met, qu’il soit vin, chocolat ou simple morceau de pain, s’imposent et s’apprécient essentiellement par différenciation.

Ainsi, les nuances propres à chaque met dégusté prennent corps par l’écart ou l’adéquation que ce met entretient avec des expériences précédentes, souvenirs cumulées pour servir de mètre-étalon ; ou avec d’autres mets de catégorie identique, réunis  pour une dégustation comparative.

Exemple : Le goût spécifique de tel café sera d’autant plus manifeste que celui-ci sera testé à côté d’un autre. De cette mise en perspective émerge  l’identité propre à chacun, en termes d’amertume, boisé, onctuosité, etc.

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Le goût pris au sens esthétique du terme, ensuite, car  l’appréciation d’un tableau, d’une sonate ou d’un sonnet présuppose une  certaine fréquentation préalable du genre, une formation culturelle du regard ou de l’ouïe propre à affiner notre goût.

Ceci afin de dépasser l’émotion immédiate suscitée par l’œuvre, pour mieux en pénétrer  le sens et les spécificités, mieux en apprécier les choix esthétiques et la composition, etc.

Exemple : Si les Nymphéas de Monet à l’Orangerie ne manquent jamais de nous frapper par leur beauté, la confrontation des différents panneaux vient renforcer le plaisir de leur contemplation. Mettant en relief un certain nombre d’éléments, jeux de lumières et de couleurs, le réseau de significations tissé par la comparaison des différents Nymphéas confère à chacun une dimension supplémentaire.

C’est ce principe d’éducation du regard, de structuration du goût par comparaison et différenciation, que donne à vivre l’exposition Matisse, Paires et séries, au centre Georges Pompidou …

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Matisse, Paires et Séries

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1/ Paires de toiles

Le visiteur y découvre en effet une série de tableaux redoublés, dédoublés, où la duplication devient principe de création pour l’artiste, comme la comparaison se fait principe d’appréciation pour le spectateur.

Ainsi de cette Nature morte aux oranges, exposée à côté d’une Nature morte, pommes et oranges (hiver 1898-99)

Les deux tableaux sont exactement contemporains, de formats identiques et de compositions fortement similaires … Leur mise en perspective fait pourtant avant tout surgir les différences profondes qui les séparent. Couleurs et lumières sont en effet traitées de façon radicalement distinctes : d’un côté, un travail centré sur les ombres, lignes et reliefs, de l’autre, des aplats de couleurs qui se détachent les unes des autres avec une netteté lumineuse. Au point que les pommes en deviennent oranges, couleur et fruit à la fois. Lire la suite

Exposition Doisneau Paris Les Halles (III) – Parcours esthétique : Au cœur de l’humain, au ventre de la capitale …

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Suivre le parcours historique (II)

Si l’exposition Doisneau Paris Les Halles possède un véritable intérêt historique, elle vaut autant pour les qualités de chaque photographie ; leur appréciation dessine un nouveau parcours, et nécessite un commentaire à part … Voici une tentative de restitution de quelques traits de l’esthétique du photographe.


Esthétique du noir et blanc : Paris, les Halles, la nuit

Les Halles, la nuit © Ateliers Robert Doisneau

La vie des Halles est essentiellement nocturne, parfois surprise par l’aube des petits matins. Ambiance parfaitement restituée. Réverbères, éclairages fantastiques, braseros, lumière de fête foraine : toutes les nuances du noir et blanc viennent rendre compte de l’atmosphère si particulière du lieu. Et lui ajoute une pointe de poésie rétrospective : car l’absence de couleur gomme aussi les traces de sang et nimbe les quartiers de viande d’une beauté particulière …

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Exposition Doisneau Paris Les Halles (II) : Parcours historique – Bref retour sur une longue histoire

Il y a ceux qui s’en souviennent, et ceux qui ne les ont pas connues. Aujourd’hui, quoi qu’il en soit, c’est le genre de lieu qu’on évite. A cause des travaux. Du monde. De la laideur des magasins alentour, enseignes sans âme, multinationales en tous genres.

Pourtant, sous ce mall commercial, entre les couloirs labyrinthiques du RER, neuf siècles d’histoire, coulés dans le béton. Autant de strates temporelles invisibles, soudain mises en lumière par deux expositions successives : l’une « Les Halles de Baltard, métiers du jour et de la nuit » qui vient de s’achever au musée Carnavalet ; l’autre « Doisneau Paris Les Halles« , à voir avant le 28 avril à l’Hôtel de Ville de Paris.

L’occasion de revenir sur ces pages décisives de l’histoire sociale, alimentaire et politique de la capitale … Et de tenter de situer les photographies de Doisneau sur l’échelle du temps, pour mieux en savourer la profondeur historique.

Saviez-vous par exemple que les catacombes ont été crées au tournant du XIXe, et que leur histoire est intimement liée à celle des Halles ? Que jusqu’à la 2nde Guerre Mondiale, on pouvait voir passer des trains de légumes, descendant le boulevard Saint Michel en direction des Halles ?

Fortuné Louis Meaulle, La soupe aux Halles le matin, 1897 © Carnavalet

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A écouter pour se mettre en bouche : La minute de la ménagère, 1951 (INA)

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