Notes et hors pistes, à propos de l’exposition Matisse, Paires et Séries, actuellement au centre Georges Pompidou.
Du goût comme écart et différenciation
Au sein de chaque culture, pour chaque individu, le goût se construit et s’affine avant tout par comparaison …
Le goût pris au sens culinair
e du terme, d’abord, puisque les qualités d’un met, qu’il soit vin, chocolat ou simple morceau de pain, s’imposent et s’apprécient essentiellement par différenciation.
Ainsi, les nuances propres à chaque met dégusté prennent corps par l’écart ou l’adéquation que ce met entretient avec des expériences précédentes, souvenirs cumulées pour servir de mètre-étalon ; ou avec d’autres mets de catégorie identique, réunis pour une dégustation comparative.
Exemple : Le goût spécifique de tel café sera d’autant plus manifeste que celui-ci sera testé à côté d’un autre. De cette mise en perspective émerge l’identité propre à chacun, en termes d’amertume, boisé, onctuosité, etc.
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Le goût pris au sens esthétique du terme, ensuite, car l’appréciation d’un tableau, d’une sonate ou d’un sonnet présuppose une certaine fréquentation préalable du genre, une formation culturelle du regard ou de l’ouïe propre à affiner notre goût.
Ceci afin de dépasser l’émotion immédiate suscitée par l’œuvre, pour mieux en pénétrer le sens et les spécificités, mieux en apprécier les choix esthétiques et la composition, etc.
Exemple : Si les Nymphéas de Monet à l’Orangerie ne manquent jamais de nous frapper par leur beauté, la confrontation des différents panneaux vient renforcer le plaisir de leur contemplation. Mettant en relief un certain nombre d’éléments, jeux de lumières et de couleurs, le réseau de significations tissé par la comparaison des différents Nymphéas confère à chacun une dimension supplémentaire.
C’est ce principe d’éducation du regard, de structuration du goût par comparaison et différenciation, que donne à vivre l’exposition Matisse, Paires et séries, au centre Georges Pompidou …
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Matisse, Paires et Séries
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1/ Paires de toiles
Le visiteur y découvre en effet une série de tableaux redoublés, dédoublés, où la duplication devient principe de création pour l’artiste, comme la comparaison se fait principe d’appréciation pour le spectateur.
Ainsi de cette Nature morte aux oranges, exposée à côté d’une Nature morte, pommes et oranges (hiver 1898-99)


Les deux tableaux sont exactement contemporains, de formats identiques et de compositions fortement similaires … Leur mise en perspective fait pourtant avant tout surgir les différences profondes qui les séparent. Couleurs et lumières sont en effet traitées de façon radicalement distinctes : d’un côté, un travail centré sur les ombres, lignes et reliefs, de l’autre, des aplats de couleurs qui se détachent les unes des autres avec une netteté lumineuse. Au point que les pommes en deviennent oranges, couleur et fruit à la fois. Lire la suite →
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